3 janvier - 1er février 2025

 

Hu Jiamin

Vernissage
Vendredi 10 janvier à partir de 18h30 

 

 

 

 

The_Medium_is_the_Massage

 

S’inspirant de l’espace de la vitrine, l’exposition de Hu Jiamin explore la manière dont les médiums façonnent notre rapport à la réalité. « Le médium est le massage  » est le titre d’un livre expérimental devenu culte de Marshall McLuhan publié en 1967, en référence à la phrase célèbre « Le médium est le message » de son livre précédent Understanding Media: The Extensions of Man (1964). Cet aphorisme prenant les airs d’un slogan et d’un calembour vise à provoquer les lecteurs afin qu’ils se mettent à réfléchir à la manière dont les médiums à l’âge de la technologie électrique sculptent leur rapport aux autres et à eux-mêmes. La thèse principale développée par McLuhan est que « les sociétés ont toujours été façonnées plus par la nature des médiums par lesquels les humains communiquent que par le contenu de la communication ».

 

La figure de la vitrine dans les compositions picturales de Hu Jiamin, en opérant des jeux optiques par l’entremise du reflet, dilate l’espace représenté. Ainsi, en se reflétant dans la vitrine, l’espace hors-champ révèle à la fois la position du peintre et celle du regardant. Le reflet construit un sens de réflexivité, il déconstruit la peinture et révèle sa qualité méta-référentielle. L’œuvre picturale devient un espace de mise en abyme où l’imbrication de différents médiums dévoile la matérialité existentielle de la peinture.

 

Dans son livre La Société de consommation (1970), Jean Baudrillard, parfois surnommé «le McLuhan français » dans le monde anglo-saxon, analyse l’espace de la vitrine comme un médium altérant notre perception et notre manière d’être : « Il n’y a plus de miroir ou de glace dans l’ordre moderne, où l’homme soit affronté à son image pour le meilleur ou pour le pire, il n’y a plus que de la vitrine — lieu géométrique de la consommation, où l’individu ne se réfléchit plus lui-même, mais s’absorbe dans la contemplation des objets/signes multipliés, s’absorbe dans l’ordre des signifiants du statut social... Il ne s’y réfléchit plus, il s’y absorbe et s’y abolit ».

 

Dans ses peintures ex-voto, Hu Jiamin joue aussi sur la mise en abyme et la réflexivité de médiums différents – télévision, ordinateur, smartphone, (point de vue d’une) caméra de surveillance, drone, poster, journal, peinture murale etc. – pour souligner la matérialité de la peinture. En peignant des médiums qui nous sont si familiers, il nous pousse à prendre conscience de notre relation à eux. L’imbrication de médiums – médiums représentés, médium des peintures ex-voto religieuses auquel il fait référence et médium de la peinture – brise la routine de notre rapport à la réalité. 

 

 

 

 

 

Selon McLuhan, ce sont les artistes qui sont capables de défier l’emprise des médiums sur nos sociétés, car ils ont le « pouvoir de voir leurs environnements tels qu’ils sont réellement ». Dans une conférence intitulée «L’art comme survie à l’âge électrique » (1973), il souligne que « le travail de l’artiste est la dislocation de la sensibilité pour nous empêcher de nous ajuster à des environnements totaux et de devenir les servants et les robots de ces environnements».

 

L’exposition de Hu Jiamin au sein des vitrines de la Galerue désajuste notre rapport aux médiums. En investissant artistiquement l’espace de la vitrine d’une réflexion esthétique sur le concept de médium, il renverse le sens de la société de consommation pour rétablir le « tragique de l’identité » contre le « ludique de la consommation  »(Baudrillard). Ainsi, il crée une anti-vitrine transformée en miroir sur laquelle nous pouvons nous réfléchir. De même, la fragilité de la vitrine comme espace public – qui attire les briseurs dans les mouvements sociaux de contestation – nous rappelle métaphoriquement la muabilité de notre rapport au monde.

/Texte de Marine Brossard

 

 

Bio et démarche artistique

Jiamin Hu a grandi à Yichang, Chine, au bord du fleuve Yangzi. Après l’obtention de son diplôme de biologie en 2006, il décide d’abandonner sa carrière scientifique et de se consacrer à l’art. Frustré par la direction sociale et politique prise par la Chine, il part s’installer en France en 2016. La censure et la destruction de sa peinture murale à Shenzhen en 2017 et sa détention lors de la Biennale d’Urbanisme et d’Architecture de Shenzhen et Hong Kong confirment la décision de son émigration. Il vit et travaille à Lyon. En 2025, il exposera à la Biennale de Dresde en Allemagne et à la Biennale Hors Normes à Lyon. Son travail explore la manière dont la matérialité de la peinture interroge et défie la virtualisation des images qui inondent nos vies à l’ère de la spectacularisation du monde. Tendant à l’universalité, il expérimente la confrontation et la pénétration des esthétiques occidentale et chinoise. Ses oeuvres expriment la façon dont l’histoire globalisée s’incarne dans nos existences, dépeignant la tension entre la simplicité et la fragilité de la vie quotidienne et l’inexorabilité des forces politiques qui la sous-tendent. L’intégration dans ses compositions d’autres médiums cherche à inciter le regard à la réflexivité sur les choses et les objets qui sculptent notre relation à la réalité.

 

 

Plus d’infos 

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• Web : www.jiamin.org

• Insta : @hu.jia.min

• Tél. : 06 51 58 77 86